Création de levain : prendre son temps !

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Thierry
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Je ne vais pas vous inonder de technique, ni de données d'analyses microbiologiques, pour les curieux, allez sur Boulangerie.Net, voir mes articles sur le sujet avec des chiffres de l'INRA principalement, ainsi que les "MiniModules" de Marc Dewalque comportant des données (les mêmes) parfois pas toutes récentes : comme quoi cela fait bien longtemps qu'on s'intéresse au problème.

On a tous bien compris qu'un levain est constitué de deux types de populations :
* Des bactéries (le plus souvent de types Lactobacillus)=> fermentation lactique et acétique (=>arômes, acidité, asepsie du milieu)
* Des levures (le plus souvent de type Saccharomyces)=> fermentation alcoolique (=>arômes, dégagement de CO2)

Au départ, dans les champs, diverses populations de microorganismes viennent coloniser l'enveloppe du grain de blé, elles s'y livrent déjà une compétition féroce et on va dire que s'y sélectionnent celles qui nous seront utiles, mais elles n'y sont pas seules ! On va retrouver cette population dans la farine, d'autant qu'elle contient plus de son (qu'elle est complète) et il y'en a même dans la farine "la plus pure" puisqu'il reste du son même dans la T45 (sinon, ce serait de la T0, le 45 exprime en % le poids de cendres, provenant exclusivement du son, contenu dans la farine, ici: 0.45%)

1- Lors de la création d'un chef, le premier but est de passer le la densité de population en microorganismes utiles contenus dans la farine à la densité optimale et maximale: la population grandit rapidement au début puis la croissance ralentit et s'arrête.
En théorie, il va falloir multiplier par 1000 ce nombre c'est à dire 10 générations (X1024) en pratique il en faudra bien plus:
Cette croissance est dépendante ET de la quantité de farine apportée par le rafraîchi ET de l'oxygène présent dans le milieu ET de la saturation du milieu en produits de synthèse résultant de la fermentation (dépendant du premier point)
Fermentation (sans Oxygène) et Reproduction (Oxygène) s'excluent l'un l'autre SAUF:
Apporter beaucoup de farine d'un coup ne sert à rien, puisqu'une fermentation va s'enclencher même en présence d'oxygène et ralentir d'autant la reproduction.
On ne peut donc pas se contenter d'apporter peu de farine dans le chef en formation, ni trop ! (cf Note en bas d'article: "Du levain dans l'écurie")
Mathématiquement, avec un rafraîchi de rapport 1-1 (Voir Note en bas d'article: on ne compte que le rapport de farine apporté/farine du levain) il faut déjà deux générations pour doubler la population (nos 10 générations deviennent déjà 20 !) puisque la première ne permet que son maintient ! (On double le milieu de culture). Or, 2 générations sont un maximum pratique lors d'un rafraîchi: si vous apportez peu de nutriment (rapport plus faible), la croissance est ralentie, si vous en apportez trop, non seulement elle est ralentie, mais en plus vous diluez le milieu alors qu'on cherche à le concentrer : Donc hors ce rapport 1-1 (on DOUBLE le milieu puisque les microorganismes se divisent en DEUX et donc DOUBLENT à chaque génération), les personnes pressées n'y trouveront pas leur compte !
Traditionnellement, les rafraîchis de création, sont d'abord exceptionnels (on ne créait pas de levain pratiquement au 17ème, on s'en procurait !) et de ce rapport, contrairement aux rafraîchis de panification qui eux étaient avec des rapports plus importants, mais spécifiques au levain dur de provenance de la pâte à pain et ce pour la série de trois rafraîchis traditionnels (première, seconde et tout point). Aujourd'hui, surtout en levain liquide, on ne peut pas calquer cette pratique sans calquer la méthode et ceux qui rafraîchissent pour obtenir ET du tout point ET du chef dans le même mouvement devraient y penser : on ne peut pas faire les deux à la fois sans choisir la méthode la plus favorable à la conservation du chef, sous peine de voir son levain "raplapla" de temps à autre. Donc rapport 1-1 !

2- L'assainissement du milieu : les microorganismes contenus dans le levain en formation ne sont pas tous nos amis, le pic est représenté par des entérobactéries qui se développent en premier le plus rapidement, puis l'acidification et les produits antiseptiques apportés par les lactobacilles vont progressivement les éliminer : on considère que cette élimination a lieu à peu près au 4ème rafraîchi ou au jour 3.
Rafraîchi s'entend comme d'un rafraîchi de création de levain chef ! Sinon, ce peut être plus long, comme vu ci-dessus
Par sécurité, on attendra donc nos 10 rafraîchis de 2 générations chaque, cela tombe bien, on en a besoin au minimum pour densifier notre levain, et comme ils risquent fort de prendre 8h-12h, on va considérer que cela se termine au jour 5
Mais on a vu au premier point que si on a ce moment un levain assaini, 10 rafraîchis théoriques ne suffiront pas, il en faudra un peu plus pour arriver à multiplier par 1000 nos populations, soit un jour ou deux de plus.

Moralité : rapport 1-1/une semaine pour plus de 10 rafraîchis
Le temps doit prendre le temps de travailler pour nous.

Rappel de la différence entre chef et tout point :
Le tout point sert à panifier, c'est un levain "jeune" cueilli avant ou au pire au maximum de pousse, en principe il est issu du chef et doit d'abord être dilué pour l'adoucir puis dans le même temps, être multiplié pour avoir la quantité désirée.
Le chef DOIT dépasser le maximum de pousse, il est fort, il est dense, s'il est issu d'une pâte à pain, celle-ci doit être de la veille et avoir eu le temps de sur fermenter, si il est issu d'un tout point dilué, il doit avoir eu le temps de sur fermenter et souvent d'avoir subit un rafraîchis (ou plus) de culture (comme dans la création).
Aujourd'hui avec les levains liquides et les méthodes en un seul rafraîchi, et surtout de confusion chef/tout point, il est conseillé de faire des rafraîchis de reproduction ET n'excédant pas le maximum de pousse, OU de cultiver le chef à part des rafraîchis de tout point, OU... de rester sur le schéma traditionnel OU... mais réservés aux "moustachus" ... (c'est marrant cette expression voulant dire : les personnes averties, informées, avec de l'expérience!... pour des femmes ;) ) adaptés à une panification personnelle pour réaliser des rafraîchis personnels avec une méthode personnelle, ce que font d'ailleurs tous les boulangers : pas un ne travaille de la même manière et tout ont raison : Quand ça marche, on a toujours raison !!!

Un dicton boulanger du 17ème ? "Vieux chef ; Jeune levain"

Note: Pour comprendre la notion de rapport de farine de rafraîchi, le mieux est de donner un exemple:
Soit un levain liquide comportant 100g de farine et Xg d'eau, un rafraîchi de rapport 1-1 consiste a lui apporter 100g de farine, et, ce, quelque soit l'hydratation ! on va donc doubler le milieu de culture, de même un rapport 1-3 va quadrupler le milieu, un rapport 1-7 le multiplier par 8. On n'ira jamais au delà puisque respectivement cela supose, une, deux ou trois générations, ces dernières ne pouvant se produire que lors d'une sur fermentation pour obtenir un chef. Les rapports intermédiaires ne pourront induire que des reproductions partielles mais gardent néanmoins leur intérêt en ce qu'ils apportent plus d'oxygène que le rapport utile inférieur: ils sont souvent utilisés en production de levain de tout point ou la conservation de la densité n'est pas la priorité : la priorité est de produire une quantité X de levain jeune et actif à fin de panification.


:!: ===== Du levain dans l'écurie ===== :!:
Pour essayer de comprendre ces phénomènes par une image; Si j'ose une comparaison : vous avez une écurie ou vous devez changer la paille, tout en essayant de produire un peu de fumier pour vos roses... vous avez donc deux impératifs contradictoires: produire du fumier et essayer de garder une relative propreté : Vous ne pouvez pas vous contenter de faire juste un petit apport de paille fraîche dans l'écurie (elle ne sera pas plus propre pour autant), non plus que de changer une trop grande part de la paille (vous ne produirez pas de fumier), je vous propose ici de ne changer que la moitié de la paille. Vous pouvez bien évidemment procéder "traditionnellement" de manière séparée : changer une grande part de la paille dans votre écurie et cultiver votre fumier à part
Vous aurez compris que le fumier représente le levain chef et la paille de l'écurie le levain de tout point, mais c'est en fait plus compliqué pour le levain, puisque la propreté est produite, pour une part, justement par la production de la fermentation !)
Je suis absolument et résolument sur et certain de ce que j'avance...
Jusqu'à temps que je change d'avis et que j'en pense le contraire.

Thierry
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Yrban
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Post intéressant par contre que veux tu dire par :
"Le tout point sert à panifier, c'est un levain "jeune" cueilli avant ou au pire au maximum de pousse, en principe il est issu du chef et doit d'abord être dilué pour l'adoucir puis dans le même temps, être multiplié pour avoir la quantité désirée." ?
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mireille
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Bien d'accord et qui vient appuyer ce que j'écris régulièrement à tous ceux qui souhaitent créer un levain. Prendre son temps et ne pas vouloir boulanger trop vite avec son levain.

Yrban, le tout point c'est le levain obtenu après un rafraîchi convenablement conduit. Le levain chef est une "petite quantité" que tu gardes ( c'est de cela dont je te parlais dans notre précédent échange de messages) dans le fond de ton bocal. Le levain chef c'est aussi le levain que l'on crée et qu'on entretient selon les règles afin de panifier plus tard. C'est, je crois, ce que tu fais en ce moment avec Arthur.
Quand ton levain sera assez fort et d'où l'importance du post de Thierry, tu feras un rafraîchi avec Arthur Chef et ce même rafraîchi te donnera un levain "tout point" ou "jeune" qui servira de ferment à ta pâte.On prélève le levain tout point quand il est très actif et quand on dit actif, cela veut dire que la quantité a au moins doublé et même mieux triplé.
Marche avec des sandales jusqu'à ce que la sagesse te procure des souliers.
[Avicenne]


mireille
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Thierry
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Sans retirer ce que viens de dire mireille, je note que tu as mis en gras "être dilué"
En effet, un chef -en principe - (parcequ'en levain liquide ce n'est plus tout à fait vrai) est fort, acide, et si on se contente de le multiplier, on va conserver les produits de fermentations et en particulier l'acide acétique qui déplait souvent aux papilles non germaniques ou nordiques... C'est pour ça que le rafraichi doit diluer ces anciens produits de synthèse, par un apport conséquent de farine, et le multiplier (prendre le temps de) en essayant de conserver le caractère voulu selon ce que l'on désire obtenir. Le but ici n'est plus de conserver une densité de population, mais de préparer le levain à la panification.
Si on élève son chef à part, il n'ya pas de soucis à se faire sur le rapport de dilution, il est d'ailleurs en boulangerie souvent de 1-7 ! ensuite il conviendra d'ajuster la quantité de levain par rapport aux durées de fermentations désirés lors de la panification.
Si on veut faire d'un seul mouvement un chef à partir de son tout point, soit on a élevé son tout point de manière à lui conserver sa densité (en 1-1) soit, on le reconstitue : cela peut simplement consister a le laisser tranquillement reprendre du poil de la bête sans se soucier s'il dépasse le maximum de pousse ou qu'il commence à sentir fort : un peu d'ailleurs ce que fait Marie-Claire. Mais dans ce cas cela oblige à des rafraîchis de tout point ... on revient au point de départ.

Il ne faut pas se prendre la tête et se croyant embrouillé: ça va se débrouiller tout seul ;)
Il faut juste se souvenir qu'on ne doit pas diluer son chef sous peine de devoir le reconstituer, et que le tout point n'est pas un levain qu'on doit laisser dépasser le maximum de pousse : JAMAIS!
Avec un levain fort, surtout en dur, on va vers les trois rafraîchis de tout point
Avec un levain doux, surtout en liquide, on peut panifier presque directement avec le chef
Tous les intermédiaires sont possibles, il n'ya pas de meilleure méthode, il n'ya que des principes de base et ensuite ... des gouts et des couleurs, on ne discutera pas ;)

NB : un levain ne devient JAMAIS raplapla par hasard : il n'ya pas de lune rousse ou d'orage qui compte : si cela arrive c'est qu'il perd en densité, à moins qu'on ne l'ai empoisonné (avec de l'eau de Javel par exemple si le distributeur d'eau a décidé de forcer la dose en cas... d'orage par exemple... huhu le coup de l'orage) mais on n'emploi jamais de l'eau du robinet sans l'avoir laissé reposer n'est-ce pas ?
Donc pour lui redonner sa densité, de même que pour la création, on lui fait des rafraîchis 1-1 et on lui LAISSE LE TEMPS de faire ses deux reproductions, il n'ya pas de max de pousse qui tienne, c'est minimum 8 heures, voir 12h : 2/jour
Je suis absolument et résolument sur et certain de ce que j'avance...
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Thierry
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Yrban
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Merci pour vos explications
Donc si j'ai compris levain chef (le mien est liquide) toujours un rapport 1-1 et levain tout point sera une partie du levain chef mis à l'écart 1 jour avant la panification et dont j'aurais diluer (ex: 50g de levain chef + 50g de farine + 50g d'eau).

A propos du goût acidulé, j'avais déjà utiliser un levain liquide fait via ce site,le pain avait eu bon goût mais il n'avait pas eu ce goût acidulé que je rechercher (pour découvrir). Si je veux donc ce goût, je dois utiliser le levain chef dans la panification ?
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Yrban a écrit :Donc si j'ai compris levain chef (le mien est liquide) toujours un rapport 1-1 et levain tout point sera une partie du levain chef mis à l'écart 1 jour avant la panification et dont j'aurais diluer (ex: 50g de levain chef + 50g de farine + 50g d'eau).
par exemple
Yrban a écrit :A propos du goût acidulé, j'avais déjà utiliser un levain liquide fait via ce site,le pain avait eu bon goût mais il n'avait pas eu ce goût acidulé que je rechercher (pour découvrir). Si je veux donc ce goût, je dois utiliser le levain chef dans la panification ?
pas forcement, les allemands et les danois travaillent le seigle sur levain dur avec 3 rafraichis de tout point très dilués (traditionnels, presque 1-7) et c'est acidulé au dela de vos désirs, croyez moi !
dépassez le max de pousse pour le chef
travaillez en dur plutôt qu'en liquide
ajustez la température de pousse : il ya un crenau pour favoriser le rapport levure/bactérie donc pour l'inverse il faut être trop froid ou trop chaud (si je puis dire) par exemple, les allemands rafraichissent à plus de 30°et pouir eux un pain au levain français est un pain fade et sans gout alors que pour nous, le leur est trop fort (!?)
les danois ont des levains au yaourt : ça apporte des heterofermentaires tenaces, attention, il s'agit ici de levain acide mais ACETIQUE (odeur de vinaigre), mais pareil, ils trouvent le notre sans gout et nous on trouve le leur immangeable :o)
des gouts et des couleurs....
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Non, c'est vachement bon le pain allemand ! Moi j'adore ! Ce sont les pains allemands qui m'ont donné le goût de spains au levain, des pains noirs, des pains à diverses céréales. L'Allemagne : l'autre pays du pain !
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Et pour moi aussi comme Félicie :D J'ai eu l'occasion de travailler avec des Allemands et j'ai appris à goûter et à apprécier leurs différents pains ;)
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Bonjour à tous

Avec toutes vos theories moi je m'embrouille, je fais mon petit levain tranquillement c'est à dire je lui donne à manger 1 fois par jour et toujours la quantité présente ds le bocal.
Je viens de mettre un levain en route et j'ai commence avec 50g de levain chef et autant d'eau, et dans 3 jours j'aurais un super beau levain chef avec lequelle je pourrais faire mon pain.
Si j'ai bien compris less exlpications de thierry je fais pas bien.
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Belette, pas de soucis. Je fais comme toi, je ne comprends pas grand choses aux explications, elles m'embrouillent au lieu de simplifier les choses, et je n'ai pas le temps de tout lire, hum, je vais me faire disputer ;). Je fais mon petit levain tranquillement, il bulle tout aussi surement et tranquillement, je ne m'occupe pas des proportions des rafraîchis, je lui donne toujours pareil, sans m'occuper du nombre des générations.
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