Les paramètres des rafraîchis

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Thierry
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De tout temps et même (surtout) en Allemagne, le problème n'a jamais été les bactéries, ce sont des êtres simples, ne vivant qu'en anaerobie pour celles qui nous interressent, se reproduisant rapidement et dont le nombre submerge largement les levures (50 à 100 fois plus). La problématique s'est surtout déplacée parmis celles-ci sur les bactéries dites homofermentaires et hétérofermentaires. Bien qu'il soit vrai que certaines souches soient plus hétérofermentaires que d'autres, il s'agit plutôt de parler d'homofermentation et d'hétérofermentation, selon les conditions, qui concernent la même espèce, celle-ci pouvant favoriser l'une plus que l'autre.
pour rappel : l'homofermentation est une fermentation lactique
l'hétérofermentation, une fermentation acétique (odeur de vinaigre)

Il peut sembler étonnant que dans un pays (l'Allemagne) où les pains sont traditionnellement faits avec un levain fort, on essaye de combattre l'excès d'acidité, alors qu'eux même trouvent fade les pains au levain français par exemple. En fait, il semble que ce soient les méthodes traditionelles qui implique des excès bactériens ainsi que des excès de fermentation, afin de travailler sur les pentosanes, choses combattues par la suite par le contrôle de différents paramètres, dans la panification du seigle !
Il en va tout autrement dans la panification du froment !

le problème principal est donc de favoriser les levures
le problème secondaire est donc de favoriser l'homofermentation (ou plutôt de contrer l'hétérofermentation)


Les paramètres suivants concernent donc ceci et on comprendra qu'il sera simple pour avoir un levain plus fort de pratiquer l'inverse, on peut à l'instar des allemands compenser par certains paramètres ce qu'on a durci par d'autres, etc. Tout est possible et la recherche de saveurs passera inévitablement par un équilibre à trouver.

* Le choix de la farine de rafraîchi est ici essentiel, en effet, certaines souches étant plus hétérofermentaires que d'autres, les apporter à chaque rafraîchis finira par les faire dominer : pour mémoire, on a 1/1000 en concentration dans la farine ce qu'on souhaite dans le levain, ce chiffre parait faible, mais il s'agit ici de un million de levures et de dix millions de lactobacilles aux 100 gr de farine, ce qui n'est pas rien. La flore existance se retrouvera tôt ou tard submergé par la constance des apports de nouveaux microorganismes lors des rafraîchis. Exceptionnellement, une souche particulièrement résistante/virulente pourra s'installer durablement dans le levain mais sera à la merci d'une faiblesse passagère qui arrivera tôt ou tard, quand les apports lors des rafraîchis réensemencent inéluctablement le milieu.

* Les apports exogènes sont à proscrire, et au mieux, donc, inutiles, sauf à souhaiter changer la flore de manière momentanée, comme par exemple les apports de yaourt dans les pains Danois, amenant avec eux leurs lactobacilles spécifiques très hétérofermentaires.
A noter que les apports exogènes censés apporter une saveur ou une flaveur particulière devront être réalisés à chaque rafraichis ou apportés dans la panification : il n'est pas prouvé que le romarin, par exemple, fasse changer la nature d'un levain, d'une panification, mais ce qui est sur c'est qu'il va apporter des arômes à condition que ce soit systématique : Encore plus pour le cas des souches résistantes et résidentes, n'apporter qu'une fois un produit exogène (miel, fleur d'oranger et autres jus de fruits, etc.) et s'en tenir la est complètement inutile au vu des dilutions successives que va subir le levain à chaque rafraîchi et par la submersion des apports réalisés.

* La farine de panification et les ingrédients de panification ont aussi leur mot à dire, mais ici, tout est question de tests, d'essais et d'expérience que tout un chacun appréciera.

Alors comment favoriser les levures et à fortiori, favoriser l'homofermentation sur l'hétérofermentation (les règles sont les mêmes)

* plusieurs rafraîchis enchaînés, surtout en levain jeune
* jeunesse du levain (arrêté au maximum de pousse ou durant la pousse)
* diminuer l'apport de levain dans la panification
* augmenter l'hydratation
* augmenter l'oxygénation (mais pas pendant la fermentation !)
* évitez les long temps de fermentation (-c'est un paramètre essentiel, par exemple, les allemands appelent le 2nd rafraîchi, avant le tout point, celui qui va passer toute la nuit: "grundsauer")
* 35° minimum pour favoriser l'homofermentation, c'est un exercice difficile car à ces températures, outre qu'on est à la limite de tolérance supérieure, les choses vont si vite qu'en un instant on peut passer la barrière du temps de fermentation et obtenir l'effet inverse de celui recherché. C'est néanmoins l'école allemande.
* ou 20° et moins, on favorisera en outre les molécules dites "arômatiques".
Je suis absolument et résolument sur et certain de ce que j'avance...
Jusqu'à temps que je change d'avis et que j'en pense le contraire.

Thierry
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donc Résumons :
actuellement je travaille avec un levain liquide que j’élève comme suit :

rafraichis 1/1 avec farine T65 tradition au chaud (27-30 degrés, pas osé aller plus haut encore), mélange vigoureux pour oxygénation ---> max de pousse* en moins de 2 h (volume qui atteint presque x3)
au bout de 1h30 à 2h je mélange a nouveau pour oxygénation et moins de 2 h plus tard on a encore atteint le max de pousse (volume plus que doublé)
au bout de 1h30 à 2h je mélange a nouveau pour oxygénation et moins de 2 h plus tard on a encore atteint le max de pousse (volume plus que doublé)
je mélange à nouveau et je passe le levain au frigo (6 degrés) jusqu'au prochain rafraichis (2-3 jours plus tard en général)

Très logiquement j'obtiens un levain jeune très actif avec levures dominantes, levée des pâtes rapide (comparables a ceux obtenus en levure) très peu d'acidité perceptible dans les pains qui gardent cependant les qualités d'un pain au levain (alvéolage, conservation, etc.).

C'est parfait pour de la baguette cependant voulant obtenir des pains plus marqués levain (autres que des baguettes) je souhaiterais travailler un peu le gout de ce levain, donc en parallèle je viens de démarrer un levain solide (160 g de levain liquide + 80 g T65 tradition). J'ai dans l'idée d'espacer un peu les rafraichis que je ferais à température ambiante et non plus au chaud et sans oxygéner.

En théorie je devrais favoriser le développement des bactéries par rapport a celui des levures et retrouver un peu plus de gout acide dans le pain, j'ai bon ?


*pour moi le max de pousse c'est quand des grosses bulles apparaissent en surface du levain et que le volume arrête d'augmenter
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Thierry
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voila, c'est ça.

Pousse surtout le premier: dans le temps c'était un morceau de pâte qui devenait levain, conservé souvent sous la farine et qui devenait forcement fort et impanifiable (sauf a la Réunion avec du sucre), s'en suivait les classiques 3 rafraîchis ("de première", "de seconde" et "de tout point") qui l'adoucissaient et apportaient la quantité nécessaire à la panification (et pas en 1:1 ni en 1:3, en bien plus que ça !)
L'aphorisme à la mode était : "Vieux Chef, Jeune Levain" (de tout point)
Si on veut du vraiment fort, on peut le faire à la danoise : du seigle, du yaourt (qui contient beaucoup de bactéries hétérofermentaires), 35°et du temps.
Ensuite on a "cultivé" le levain à part, puis est arrivé avec Kayser, qui ne l'a pas inventé mais mis a la mode, le levain dit liquide avec la notion de max de pousse : le levain était devenu controlable visuellement par n'importe qui, même sans expérience, et au passage devenait plus doux, mais on peut fort bien avoir un levain liquide si fort qu'il va concurencer la bouteille de vinaigre, après tout n'est que question de goût, or, des goûts (et des dégoûts) et des couleurs... ==>

Les Danois et les Allemand trouvent nos pains (au seigle et au levain, donc ne parlons pas du reste) fades !
A l'inverse, tout boulanger sera confronté a une perte de clientèle s'il n'est pas capable de produire un levain "doux" dans nos contrées ! Il faut vraiment avoir une clientèle particulière pour arriver a vendre en France des levains relevés.

Et relevés ne veut pas forcement dire plus ou moins acide : la loi en défini un pH mini, mais en lactique vous n'aurez pas la même impression qu'en acétique, par exemple...
et doux ne veut pas dire sans parfums, moi si je mets mon pain ultradoux sous le nez de ma femme je risque le divorce :shock: (*)
Et puis ne vous forcez pas : il ya des tas d'américains qui achetent par correspondance chez Boudin, le surdough de San Francisco, les mêmes qui ne connaissent du pain que le pain de mie en sachet acheté au supermarché... sur le lot, on ne me fera pas croire qu'il y'en a pas mal qui le montrent a leurs amis pour les épater et lui faire prendre ensuite le chemin de la poubelle. Pas besoin de levain de san francisco pour en faire (il n'ya pas plus de bactérie spécifique que de beurre en branches); on peut aller voir sur la page "au levain" les expériences de Jane pour essayer de se lancer dans cette panification "forte" qui demande donc... du temps: le secret c'est la surfermentation.

Donc, fermentez, surfermentez, faites comme vous voulez, mais ne tuez personne :P
(je parle de vos petits amis... qui colonisent votre levain, pas ceux qui colonisent votre salle à manger bien entendu, ceux la, vous en faites ce que vous voulez :D )


(*) J'ai beaucoup hésité avant de trouver "pain ultradoux", parcequ'avec seulement "mon ultradoux" ou "ma baguette ultradouce" etc. ce n'est pas le divorce que je risque, c'est les chiennes de garde :lol:
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Excellent le coup du pain ultradoux, tu utilises de l'assouplissant? :mrgreen:

Je ne trouvais pas de nom pour mon levain liquide, je crois que je vais le baptiser minidou tiens :D


Bon le minidou-dur a gonflé comme une fusée (faut dire qu'il fait une chaleur terrible, donc au final "à température ambiante" c'est traduit par au chaud puisqu'il faisait 27 dans la cuisine !) Au bout de 2 h il avait plus que doublé et n'a plus bougé ensuite, je l'ai mis au frigo au bout de 8h et il sentait toujours la même chose que d'hab (une odeur très agréable qui me rappelle celle du beurre frais, aucune odeur de vinaigre pour le moment). A suivre !
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mireille
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à Lolounette : je travaille quasiment avec du dur; j'aime bien ce genre de levain mais c'est plus long au démarrage. A part ces 2 derniers jours où il fait trop lourd et trop humide, les températures sont plus basses dans mon "plat pays".
Quand je travaillais mon levain à température ambiante, je faisais un rafraîchi du restant de mon chef que je n'employais pas tout de suite. 2 à 3 jours d'attente avant de refaire des rafraîchis pour panifier et donc ce goût que tu aimes était présent. Même dans la cuisson, on sent nettement la différence.

J'ai au frigo un champenois pur du 8 que je rafraîchirais fin de semaine ou suivante : je suis sûre qu'il sera parfait aussi.

à Thierry : à propos des levains de première....etc ; on sait que le chef était un morceau de pâte que l'on avait gardé et auquel on ajoutait x farine et x eau pour obtenir un levain de première. Mais au départ, ce morceau de pâte était issu quand même d'une pâte faite d'un levain qui avait du être fait de seigle et d'eau, non?

J'ai lu les écrits de Marc Dewalque, je crois qu'il indique qu'on a pratiqué le système du morceau de pâte jusqu'en 1920? si je me trompe et que le levain en temps qu'appellation levain ne peut qu'être fait que de 2 farines en France : seigle ou tradition
Marche avec des sandales jusqu'à ce que la sagesse te procure des souliers.
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mireille
clafoutis
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je viens de lire le sujet et .. je n'y retoruve plus mes petits : ce que je fais jusque là =
- J 0 : immédiatement après avoir fait mon pain je me débrouille pour qu'il ne reste que l'équivalent d'une cuillère à soupe dans mon bocal et je rafraichi avec 20 g de farine + 20 g d'eau (+ une pointe de miel)
- si pain à J2 : 24h plus tard (J1)je rafraichi avec 40 G de farine et 40 g d'eau (il faudrait faire 20 et 20 ?) et je rafraichi à nouveau le soir avec 80 + 80
- si pain à J3 h = un rafraichi le matin à J1 puis le matin à J2et le soir à J2 toujours avec en triplant le poids de mon levain (ce qui me conduit à en jeter un peu ou parfois à diviser le voulume le soir (quand pain à J3 ) et faire 2 pains

quels sont les inconvéneinets de cette méthode ?
je précise que je n'utilise que du seigle pour faire le levain

Merci de vos réponses
daniL_B
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Pourquoi personne n'a répondu ? ça m'aurait bigrement intéressé .... dommage =;o(
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Marie-Claire
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Ben... moi je ne me pose pas autant de questions, je rafraîchis selon la quantité de levain que je veux obtenir, et c'est tout ...
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anne-marie
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Il en est de même, semble t'il, des levains que des enfants: certains faciles à élever," poussant" bien sans précaution particulière et d'autres plus capricieux et fragiles......
Dernière modification par anne-marie le ven. 30 déc. 2011 23:24, modifié 1 fois.
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Clafouti, d’après ce que je comprends tu parles plus haut d'un levain liquide rafraichi en 1:1 (et en plus a la farine bise) : Ce type de levain très actif ne supporte pas de rester sans nourriture à température ambiante pendant les heures qui séparent tes rafraichis. Entre les rafraichis il entre en famine et commence à péricliter, certains micro-organismes meurent à cause de cette mauvaise conservation.
Un tel levain doit être soit utilisé immédiatement après la fin du rafraichi soit bloqué au frigo entre les rafraichis si tu veux le conserver en bonne forme.


Si tu veux te passer du frigo il faut changer le paramètre des rafraichis pour obtenir un levain moins rapide : passer de liquide à solide, de la T80 à la T65, d'un taux de rafraichi 1:1 à 1:3, etc.
En gros c'est à toi de contrôler les paramètres de croissance et de conservation de ton levain pour obtenir ce que tu souhaites.
Tu disposes d’accélérateurs (chaleur, petit taux de rafraichi, farines bises, seigle, levain plus liquide) et de frein (froid, plus grand taux de rafraichi, farine blanche, levain moins liquide) qui te permettent de faire plus ou moins ce que tu souhaites, a toi de les utiliser a bon escient ;)

ensuite tu peux soit intellectualiser la chose (telle modification apporte tel résultat donc je dois faire ci et ça pour obtenir le résultat voulu) soit faire comme Marie-Claire en te bâtissant un savoir faire (certain diront un instinct, mais il s'agit en fait d'une compréhension implicite et non réfléchie acquise à force de mettre les mains a la pâte !). Les 2 fonctionnent, l'important c'est de bien rester à l’écoute du levain (donc de ne pas suivre une recette tête baissée), de comprendre comment il réagit, que ce soit sur un cahier ou dans la tête :mrgreen:
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