Comprendre le réseau de gluten

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Thierry
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Le réseau de gluten se nomme ainsi en ce qu'il ressemble à un genre de filet, mais à trois dimensions, imperméable à l'eau, et donc susceptible de retenir les gaz issus de la fermentation (notamment le gaz carbonique), pour réaliser naturellement l'alvéolage du pain.

Nous allons parcourir un peu son histoire, c'est un peu technique et je vous laisse en tirer les conclusions vous même, mais j'espère du moins vous avoir un peu éclairé sur le sujet.

Au départ, il n'y a pas de gluten, il existe dans la farine des protéines dites solubles et d'autres dites insolubles, parmi lesquelles la gliadine et la glutenine. Ce sont ces protéines qui vont être à l'origine du gluten, elles se trouvent dans certaines céréales, dont le blé, mais pas dans beaucoup, ni non plus dans les autres glucides (sucres lents). Elles peuvent être extraites de la farine, justement grâce à leur propriétés d'insolubilité et au fait qu'elles vont se "coller" ensemble (dans glutenine et gliadine, il y a le mot glu : colle): vous pouvez en faire l'expérience en malaxant un peu de farine sous un filet d'eau : le gluten sera ce qui vous restera dans la main.

Dès le frasage, c'est à dire avec l'introduction de l'eau, ces protéines vont s'assembler pour former le gluten, d'abord en forme de pelote, ces protéines vont donc rouler les unes sur les autres et comme la farine n'est pas miscible a l'eau (comme le sable mouillé) et donc ne va pas s'imbiber complètement de manière immédiate en raison de la taille minuscule de ses grains, au frasage, on aura une pâte généralement ferme.
Quand l'imbibition de la farine avancera, cette pâte va devenir un peu plus "molle"

NB : le sel aide au déroulement de ces pelotes, c'est ainsi qu'il aide aussi l'albumine des oeufs a se dérouler pour prendre une structure en feuillet, plaques se collant ensuite les unes aux autres, qui avec le battage (soufflage) nous donne les biens connus "oeufs en neige". Le sucre en principe aussi mais il est si hygrophile (bien plus que le sel) qu'au delà d'une certaine quantité (- de 10%) il fait s'effondrer complètement le réseau, les protéines étant en quelques sortes "privées d'eau" au profit du sucre.
C'est ainsi qu'on dit que le sel donne un peu de force à la pâte.

C'est la que le pétrissage entre en oeuvre, il va "dérouler" mécaniquement les pelotes de ces nouvelles protéines que représente le gluten, pour commencer à créer un réseau de fibres, assez lâche, un peu désordonné, qui va, avec des liaisons faibles, commencer à s'emmêler : imaginez au départ des bobines de fil de pêche, puis vous les déroulez pour tout mélanger ensemble : le réseau commence à naître.
La pâte va donc prendre de la force, devenir résistante, ces mailles sont d'abord lâches puis avec le pétrissage, les rabats, vous allez les tendre, comme si vous aviez un filet élastique a mailles lâches et que vous le pliiez en deux, puis en quatre... il va résister de plus en plus.

Fin du pétrissage

Mais ce n'est pas fini ! Au pointage, cela va continuer ! La pâte va prendre encore de la force ! Toute seule ! Comment est-ce possible ?
La, on entre dans le domaine de la biochimie : au pétrissage ou aux rabats, on va incorporer encore plus d'air qu'il n'y en avait au début, donc de l'oxygène : cela va réaliser une oxydation de la pâte, celle-ci va donc s'attaquer aux protéines qui représentent le gluten et spécialement aux acides aminés (les protéines sont une chaîne d'acides aminés) contenant du soufre, soit en bout de chaîne, soit sur la chaîne :
ces atomes de souffre, oxydés, vont alors s'accrocher entre eux on appelle ça des "pont disulfures"
Soit donc en collant entre eux bout à bout, 2 "fils" de gluten
Soit en accolant entre eux 2 "fils" de gluten à un endroit de la chaîne
Ce sont des liaisons fortes, contrairement aux liaisons faibles qui pouvaient exister auparavant.

Ces liaisons fortes vont donc coller ensemble ce réseau de fibres enchevêtrées, comme si vous aviez ajouté de la colle à nos fils de pêche entremêlés dans l'image que je vous en ai donné plus haut.

A terme, le gluten aura toute sa force.

NB : plus de pétrissage = moins de pointage et vice versa pour cette raison, mais trop de pétrissage est moins bon que pas assez : la suroxygénation de la pâte et le trop fort étirement blanchie la pâte et diminue les mailles du réseau : la mie restera serrée, le temps de pointage court diminue les arômes. C'est ce qui distingue le PI (pétrissage intensif) industriel du PVL (pétrissage a vitesse lente, essentiellement manuel, donnant souvent des pâtes sous pétries nécessitant une très longue fermentation), pour arriver, en pétrissage mécanique, à un intermédiaire : le PA (pétrissage amélioré).
Le PI est à proscrire absolument.
Le PVL donne des pains très aromatisés, mais plus denses, bien qu'avec de grosse alvéoles isolées (densité et alvéolage sont différents) puisqu'on n'a pas laissé le temps aux pelotes de se dérouler complètement avant que les liaisons disufures entrent en oeuvre : il y a moins de "fils" dans notre "entremêlage".
Le PA donne des pains plus légers, mais moins aromatisés qu'en PVL, c'est un intermédiaire, on ne peut pas avoir le beurre....
A ce stade la force pourra légèrement être corrigée mécaniquement, mais "point trop n'en faut", par exemple:
Au façonnage le "serrage" empêchera le pain de se développer au four
Au contraire, le risque de déchirures du réseau existe et c'est absolument irrattrapable : le réseau s'effondre, comme si une main de géant prenant vos fils de pêche entremêlés et collés pour les déchiqueter.

J'avais dit que je n'en donnerai pas les conclusions parce qu'elles sont multiples ! il n'y aurai pas la place ici pour décrire tous les cas de figure, puisque toutes les étapes sont importantes et la formation du réseau dépend de la farine, de l'eau du pétrissage, de la panification, de la température, du des...
Le but de ce petit article, c'est de juste comprendre comment se forme le gluten aux différentes étapes et éventuellement vous aider à détecter, en cas de problème, ou vous en avez fait trop ou pas assez, ou comment compenser une étape par une autre pour obtenir ce que vous désirez.
Je suis absolument et résolument sur et certain de ce que j'avance...
Jusqu'à temps que je change d'avis et que j'en pense le contraire.

Thierry
Jean-Philippe de Tonnac
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merci Thierry pour le gluten, les relances, l’ardeur en tout et le soutien à Florence qui va revenir. nous l’espérons.

j’ai fait une petite enquête récemment pour le magazine La Toque à propos du pain, aliment d’avenir ou non. il est clair que le pain a sur le plan nutritionnel des atouts extraordinaires qui pourraient faire de lui, comme ce fut le cas durant des siècles, un aliment santé idéal, à condition de… et là les choses se compliquent sérieusement.

pour ne citer que la question du gluten et en prenant soin de distinguer ceux qui souffrent de la maladie coalique de ceux qui réagissent à la présence de différents allergènes dans les blés, il est très difficile d’obtenir des réponses claires. certes 1% de la population souffrirait en le sachant ou en ne le sachant pas de la maladie coeliaque, à la condition qu’elle soit dépistée, mais combien s’affronteraient quotidiennement à des problèmes d’allergies liés à leur consommation de blé? l’attitude des chercheurs consiste à minimiser le problème en disant que les méfaits du gluten concerneraient « des sujets souffrant déjà d’autre type de maladies inflammatoires ».

ce sera l’apport d’un site comme le vôtre que de réunir de vraies expertises et sans basculer dans la glutenophobie étasunienne, considérer que le consommateur panophile est désormais animé d’une exigence scientifique et éthique irrépressible.
Jean-Philippe de Tonnac
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maladie coeliaque, sorry.
Jean-Philippe de Tonnac
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